Jaiden ∞ Lottie

Une, deux, une, deux… L’un après l’autre, ses pieds foulaient le sol, l’emmenant toujours plus loin, toujours plus vite. Son souffle était saccadé, son cœur battait à une vitesse folle et pourtant il semblait ne pas ressentir la fatigue qui peu à peu l’envahissait. Ce matin-là, il avait décidé de sortir courir pendant que la température le permettait encore. Il avait fait très chaud ces derniers temps à Sunset Dream et cette journée ne serait apparemment pas une exception. Déjà, la sueur trempait son t-shirt, dégoulinait le long de ses tempes, sous l’effort physique que son corps fournissait. Habituellement, il aurait été encore au lit à une heure aussi matinale, probablement avec une conquête rencontrée la nuit passée dans l’un des bars de la ville. Mais étrangement, il n’était pas sorti la veille. Il n’en avait pas eu le courage. Hier soir avait été l’un de ces trop nombreux soirs où il était envahi de pensées en tout genre. Cela lui arrivait beaucoup trop souvent en ce moment. Il restait assis dans son canapé durant de nombreuses heures à essayer de faire le tri dans sa tête. Sa préoccupation première était bien entendu une jolie petite jeune femme à l’adorable frimousse et au ventre bien trop arrondi à son goût. Depuis combien de temps ne l’avait-il pas revu ? Des semaines. Intérieurement, il était ravagé par cette distance qu’il avait décidé de mettre entre eux. Extérieurement, il jouait celui qui s’en fichait. Mais la demoiselle lui manquait atrocement. Ils avaient déjà été séparés beaucoup plus longtemps que cela, mais pour des raisons qui tenaient la route. Celle-ci ne valait rien. Il refusait de la voir tout simplement parce qu’elle portait la vie, parce qu’elle portait leurs enfants. Il refusait d’accepter l’idée que la jeune femme était enceinte et que dans quatre mois, elle donnerait naissance à deux êtres qui n’auraient jamais dû être conçus. Pourquoi ne l’avait-elle pas écouté ? Pourquoi s’était-elle bornée à ruiner son existence ? Il l’avait supplié à maintes reprises d’avorter. Après tout il aurait été tellement facile pour elle de se trouver un homme charmant à aimer, un homme qui lui aurait été en mesure de lui donner des enfants dont il voudrait s’occuper. Oui, tout aurait été plus simple si elle avait pu penser comme lui. Malheureusement ce n’était pas le cas. Elle s’était entêtée et avait décidé de mener sa grossesse à terme. Et pour cette erreur, il avait décidé de lui faire payer un lourd tribut. Voilà pourquoi il ne lui adressait plus la parole, à moins que cela soit nécessaire, même si cela devait lui en coûter à lui aussi. Il savait qu’il avait la force de résister à cette séparation, ce qui n’était pas forcément le cas de la jeune femme. Mais il s’en fichait. Elle l’avait cherché. Telles étaient toutes les pensées qui tourbillonnaient dans sa tête beaucoup trop souvent, l’empêchant de sortir s’amuser, de sortir oublier dans les bras d’une autre. Et voilà que maintenant elles envahissaient de nouveau son cerveau, alors qu’il continuait sa course folle pour rentrer chez lui. Violemment, il secoua la tête afin de s’en débarrasser et accéléra le rythme. Ses poumons le brûlaient et un arrière-goût de sang avait commencé à envahir sa bouche. Mais il décida de ne pas en faire cas et continua inlassablement. Il regagna son appartement beaucoup plus rapidement que prévu, puis se laissa tomber lourdement sur le palier. Pendant de longues minutes il chercha sa respiration, tentant de se remettre. Il était trempé des pieds à la tête et retira son t-shirt qu’il jeta en boule sur le canapé lorsqu’il pénétra dans son appartement. Refermant la porte derrière lui d’un bref coup de pied, il alla directement se glisser sous une douche bien froide, afin de se rafraîchir les idées. Il ne devait pas être beaucoup plus tard que neuf heures, sachant qu’il avait rendez-vous à onze heures avec l’un de ses « clients », cela lui laissait deux bonnes heures pour vaquer à ses occupations. Bien qu’en vérité, il n’ait strictement rien à faire. Une fois sorti de la douche, il alla enfiler un jean et un t-shirt propre, puis alla se vautrer sur son canapé où Boo Radley, son rottweiler, était déjà couché. L’animal ouvrit les yeux, releva légèrement la tête et le fixa un instant, avant de se rendormir tranquillement. Le jeune homme alluma alors la télé et s’occupa ainsi jusqu’à ce qu’il soit dans les environs de onze heures moins le quart. Là, il éteignit la télé puis se releva. Il attrapa les clés de son appartement, glissa son portable dans la poche de son jean et prit la direction de la porte. Au moment où il ouvrit celle-ci, la sonnette retentit mais il était déjà trop tard, il venait de franchir le seuil et il se heurta violemment à quelqu’un. « Bordel de m… » Il s’arrêta brusquement lorsque son regard se posa sur la personne qu’il venait de « bousculer ». Une petite jeune femme aux cheveux courts et châtains, des yeux d’un bleu profond, des traits fins et délicats, et un ventre déjà bien imposant pour cinq mois de grossesse. Il reconnut instantanément celle qui autrefois détenait le titre de meilleure amie et se rembrunit. Que faisait-elle là ? Il ne voulait pas la voir. « Va-t’en Charlotte, je n’ai pas le temps là ! » Il ne l’appelait jamais Charlotte, sauf lorsqu’il était en colère après elle. Il avait toujours utilisé son surnom, car il savait qu’elle préférait. Mais ces derniers temps, il se bornait à l’appeler par son vrai prénom, lui montrant clairement le fond de sa pensée et de son humeur. Il claqua la porte derrière lui puis la contourna, non sans l’avoir fusillé du regard. Puis il prit la direction de l’escalier sans même un regard en arrière.

Jaiden ∞ Lottie

Si ça allait durer encore longtemps ? N’avait-elle donc rien compris ? Bien sûr que cela allait encore durer ! Cela durerait autant de temps qu’il l’aurait décidé. De toute façon, qu’elle n’espère pas obtenir grand-chose de lui tant qu’elle serait enceinte. La simple vue de son gros ventre le dégoûtait au plus haut point. Alors oui, cela allait encore durer longtemps. Il voulut se retourner, lui jeter un regard glacial pour la faire taire, mais il ne le fit pas. Il continua son chemin comme si de rien n’était, comme si il n’avait rien entendu. La seule chose qui aurait pu le trahir fut le fait qu’il serra légèrement les points, agacé par les paroles de la jeune femme. Ne pouvait-elle donc pas le laisser en paix ? Qu’elle aille se trouver un homme bien qui l’accepterait enceinte et qui saurait s’occuper de deux morveux ! Lui n’était pas disposé à ce genres de choses et il laissait volontiers sa place à quiconque la voulait. Mais apparemment ça non plus elle ne l’avait pas compris, puisqu’elle paraissait bien décidée à lui pourrir la vie. Descendant les marches quatre à quatre, il était presque en bas lorsque la voix de la jeune femme résonna de nouveau. Il savait qu’elle l’avait suivi, mais il n’en avait pas fait cas jusque-là, sachant très bien que son ventre la ralentissait. Il espérait pouvoir la semer rapidement, mais elle lui balança qu’il n’avait aucune raison valable de fuir et il se stoppa net. Aucune raison valable, n’est-ce pas ? Il inspira profondément, se retenant pour ne pas se retourner, puis repris sa route, plus rapide que jamais. C’est seulement lorsqu’elle commença à s’énerver qu’il fit volte-face. Il braqua son regard glacial sur elle et s’approcha vivement. « Aucune raison valable ?! Tu plaisantes j’espère ?! » Il s’interrompit quelques secondes, pointa un doigt vers son ventre puis reprit. « La voilà, ma raison valable ! ÇA c’est une excuse ! Tu savais très bien ce que je pensais de tout ça ! Tu savais très bien à quel point je déteste les enfants et tout ce qui s’en rapproche ! Pourtant tu n’en as fait encore une fois qu’à ta tête ! Et bien tant pis, maintenant tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ! » Il la fixait et, lorsque son regard tomba sur son ventre, il lui jeta un regard dégoûté. Il détestait ces deux êtres qui grandissaient en elle, il détestait ces deux choses qui lui avaient pris sa meilleure amie. Mais merde alors, ils s’étaient protégés ! Ils avaient tout fait pour justement éviter ça ! Et pourtant ça leur était quand même tombé dessus. Une défaillance de pilule, voilà ce qu’avait dit le médecin. Il avait 0,1% de chance pour que ça arrive et c’était arrivé. Ça leur était arrivé. Et au lieu d’avorter et d’effacer tout ça, la jeune femme avait décidé de garder les fruits de leur erreur. Aujourd’hui elle jouait à celle qui ne comprenait pas sa réaction et il en avait marre. Il voulait juste qu’elle se barre, qu’elle lui foute la paix. Il voulait pouvoir sortir quelques bouteilles du placard, s’envoyer plusieurs verres et oublier. Tout oublier. La grossesse, les jumeaux, sa venue. Et il voulait pouvoir recommencer à la nuit tombée. Faire la tournée des bars, s’enfiler des verres jusqu’à n’en plus pouvoir et ramener chez lui une jeune femme sexy qui partagerait son lit pour une seule nuit. Voilà, c’était ce qu’il avait l’habitude de faire. C’était sa façon à lui de se protéger. Il n’avait pas la moindre envie de l’écouter, pourtant il se força à rester face à elle et à ne pas tourner les talons. Il savait que si il fuyait à nouveau, elle chercherait à le rattraper. Plus vite il aurait écouté ce qu’elle avait à lui dire et plus vite il serait débarrassé d’elle. Alors il se redressa, croisa les bras et planta son regard dans le sien. « Qu’est-ce que tu voulais ? Pourquoi es-tu venue ici ? Tu ne pouvais pas rester chez toi et continuer ta petite vie, mener tranquillement ta grossesse ? » Il avait craché tous ses mots, toujours aussi dégoûté. « Tu étais obligée de venir ici et de m’exposer l’objet de ma haine ? De m’exposer ce qui a fait qu’aujourd’hui encore nous nous déchirons ? Va-t’en Charlotte. » Il avait réitéré sa demande, espérant sincèrement que cette fois-ci elle l’écouterait. Mais il la connaissait trop bien, elle était têtue comme une mule lorsqu’elle le voulait. Et il savait pertinemment qu’elle ne lâcherait pas l’affaire aussi facilement, pour son plus grand désespoir.

Jaiden ∞ Lottie

Oui dans cette histoire ils étaient deux ! Ou plutôt, ils étaient deux lors de la conception. Mais lorsqu’elle avait décidé de garder les bébés, elle avait elle-même fait le choix de s’embarquer toute seule dans cette aventure. Elle savait très bien ce qui se passerait si elle n’avortait pas. Alors oui, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même ! Il était responsable de sa grossesse, mais pas de ses choix. Qu’elle arrête donc de pleurnicher deux minutes. Oui, il ne pensait qu’à lui, mais au bout de plusieurs années, elle aurait dû le savoir ! Elle aurait dû savoir qu’il était comme ça, d’un égoïsme sans nom et qu’il pensait d’abord à lui et ensuite aux autres. C’était ancré dans ses gênes et rien ni personne ne pourrait le changer. C’était ce qui le caractérisait. « Je t’ai peut-être mise enceinte, mais je ne t’ai pas supplié pour que tu gardes ces enfants ! Tu rêves d'en avoir, je peux le concevoir et surtout, je le sais, tu me l’as tellement rabâché. Mais tu aurais pu en avoir avec n’importe qui ! N’importe qui, Charlotte ! Mais non, il a fallu que tu décides de garder ceux-là précisément. Oui je suis égoïste, oui je suis un être abominable ! Mais tu sais quoi ? Tant pis, cette fois-ci je m’en contrefous. C’était quoi ton but exactement ? Me pourrir la vie ? Et bien bravo, tu as réussi ton coup ! » Il savait parfaitement que chaque mot la blessait et peut-être que dans le fond, c’est ce qu’il cherchait à faire ? La blesser. Peut-être que de cette manière elle aurait enfin accepté de lui foutre la paix. De rentrer chez elle et de garder le plus possible ses distances avec lui. Mais qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ? Un être normalement constitué, même détestant les enfants, n’aurait pas agi de la sorte. Il se serait forcé à demander des nouvelles, à savoir comment allaient les bébés et la future maman… Mais pas lui. Il en était incapable. Et il ne supporterait pas une seconde de plus la vision de ce ventre rond. Il fallait qu’il s’échappe. Seulement après cette rencontre, il n’avait plus la force de se rendre à son rendez-vous. Alors, attrapant son portable, il envoya un message à son client pour lui signaler qu’il avait eu un empêchement et qu’il remettait leur rencontre à plus tard. Puis il recommença à grimper les escaliers, désireux de retourner s’enfermer dans son appartement. Mais de nouveau, la jeune femme le coupa dans son élan. Lentement, il se tourna vers elle et lui jeta un regard toujours aussi glacial. Il lui manquait ? Oui, et bien elle n'avait qu'à réfléchir à ça plus tôt. Bien qu’il fallait avouer qu’elle lui manquait aussi. Il aurait eu envie de le lui hurler, mais il se retint. Il avait beaucoup trop de fierté pour ça. Il se contenta donc de garder le silence sur ce point. « Peut-être que juridiquement, je suis le père de ces bâtards. Mais pour moi ça ne sera jamais le cas. Lâche-moi Charlotte. Pars, fais ta vie. Sans moi. Trouve-toi un homme, quelqu’un qui sera capable d’endosser ce rôle de père. Mais arrête de t’accrocher désespérément à moi comme si du jour au lendemain j’allais changer d’avis et revenir comme une fleur. Tu sais très bien de quoi il retourne. Je ne serai jamais ce genre d’homme totalement gaga devant le ventre de sa compagne, à le caresser et lui parler à longueur de journée. Rien que d’y penser… Bref, c’est à vomir. » Il marqua une pause afin que la jeune femme puisse enregistrer et assimiler tout ce qu’il venait de dire. Maintenant au moins c’était clair. « Alors oui, nous étions liés. Et crois-moi, tu as changé ma vie. Mais c’est fini. C’est fini depuis le jour où tu as pris ta décision. Et ne me dis pas que tu ne savais pas comment ça se terminerait. Tu as pris ta décision en étant pleinement consciente des enjeux. Je tenais à notre amitié, mais maintenant il n’y a plus rien. » Sur ces mots glacials, il fit de nouveau volte-face et remonta jusque chez lui, tandis que dans son dos, la jeune femme lui hurlait qu’elle ne laisserait pas tomber. Bien, puisqu’elle était décidée à s’accrocher… Ça serait elle qui souffrirait, tant pis. Mais qu’elle ne vienne pas pleurer ensuite. Il l’aurait prévenu. C’était à ses risques et périls désormais. De retour sur son palier, il déverrouilla la porte, mais resta quelques secondes immobile. Allait-elle le suivre ? D’un côté il espérait que non, n’aspirant qu’à une seule chose : qu’elle le laisse tranquille. Mais de l’autre… Cela faisait tellement longtemps qu’il ne l’avait pas vu. Il aurait donné cher pour retourner en arrière. Retourner à cette fameuse nuit où elle était tombée enceinte. Si il avait su, jamais il n’aurait couché avec elle. Aujourd’hui il regrettait. Mais il était trop tard. Il l’avait perdu…

Jaiden ∞ Lottie