« Alice ? Alice je peux entrer s’il te plait ? » La petite fille essuya les larmes qui coulaient sur sa joue en soupirant. Tobias tambourinait contre sa porte depuis cinq bonnes minutes, mais jamais il ne serait rentré sans la permission de sa petite sœur. « Alice si tu ne m’ouvres pas je te promet que je défonce la porte. » Elle ne put s’empêcher de sourire, et renifla doucement avant de prendre la parole. « C’est ouvert. » Il poussa rapidement la porte en se faufilant sans que personne ne le voit et alla se blottir contre sa petite sœur. « T’es triste parce qu’ils s’en vont… Encore ? » Elle acquiesça d’un signe de tête et serra les bras de son frère. Tobias avait toujours su remarquer sa fragilité face à ses sentiments. Elle aimait tellement sa famille. Après tout c’était normal pour une petite fille de cinq ans. Livingston était un nom connu dans la ville d’Austin. Sa mère était devenue l’une des meilleures avocates du continent depuis deux ans. Elle avait vécue une ascension fulgurante lorsqu’elle avait remporté avec triomphe un procès. On l’avait reconnu comme la femme à suivre à cette époque. Elle vivait maintenant entre New-York et Austin, passant certainement plus de temps dans la grande pomme que dans sa propre maison. Son père, quant-à lui, était commercial d’une firme internationale. Il avait lui aussi vécu ce genre d’ascension dont on entend parler que dans les rêves les plus fous. Et pourtant, les Livingston étaient devenus un couple exemplaire, mettant leurs enfants de coté pour les protéger des médias. Enfin, bien sûr la réalité détonnait totalement. Certes, les parents des deux enfants n’étaient pas absents très longtemps et ne laissaient, pour le moment, jamais les deux petits seuls. Tobias n’avait pas encore dix ans après tout. Alors, ils faisaient sorte d’être là, mais de rester invisible aux yeux de leurs enfants. Enfermer dans leurs bureaux, trop occuper à tenter de gagner encore des affaires, ils ne semblaient pas se rendre compte du manque cruel d’amour dont souffrait Tobias et Alice. Elle ne se souvenait d’ailleurs pas d’avoir fait une fois une sortie avec leurs deux parents présents, comme une vraie famille. « Je voudrais juste qu’ils soient un peu plus présents. »

Les choses ne se sont pour autant, pas arranger lorsque les années ont passées. Tobias et Alice ont alors appris à se serrer les coudes, et que finalement, si leurs parents ne voulaient pas faire attention à eux, alors tant pis. L’important était, qu’ils étaient tous les deux. Et puis, aller à l’école fut un peu une révolution pour Alice. Elle ne passait plus son temps à tourner en rond dans la maison vide. Elle n’imaginait pas qu’elle aurait aimé l’école et pourtant elle fut tout de suite attirée par la découverte du monde scolaire. Elle n’était pas du genre très sociable à l’époque, et elle avait longtemps cru qu’elle resterait toute seule. Mais finalement, elle trouva Timoteï. C’était le genre, un peu simplet à l’époque mais toujours le mot pour rassurer et faire rire. Elle a immédiatement été séduite par ses joues qui rougissaient quand il était gêné ou qu’il perdait le fil de ses mots. Elle avait ressentie de la légèreté à ses cotés et surtout, Alice oubliait le temps d’une récréation que lorsqu’elle rentrerait le soir chez elle, il n’y aurait pas un bruit. Du vide. La jeune femme se souviendrait toujours le moment de leur rencontre. Nouvelle dans l’école, elle était arrivée et c’était placé derrière lui, tout au fond de la classe, et près de la fenêtre pour pouvoir rêver tranquillement. Et puis, un peu comme une bombe qui fit exploser sa vie monotone, il se retourna et tout en lui tendant la main lui disait avec un grand sourire. « Bonjour ! Je suis Timoteï et toi ? »

Cette amitié crée par un simple salut perdura durant des années. Des années où Alice apprit à se débrouiller seule. Son frère était bien sûr toujours là, à veiller d’un œil sur sa petite sœur, mais son entrée dans l’adolescence, les éloigna. Il avait beaucoup plus de mal à parler avec sa sœur et devant ses amis, lui disait d’aller voir ailleurs. Bien sûr elle en était blessée. Bien sûr, elle avait envie de pleurer parce qu’elle avait l’impression d’être rejetée par le seul membre de la famille qui l’aimait réellement. Le soir, elle s’enfermait de nouveau dans sa chambre et pleurait sur son lit. Pour ne pas montrer que de simples mots pouvaient l’anéantir, elle cachait sa peine dans ses quatre murs. Et de nouveau on tapait à la porte. « Va-t-en. ». Les habitudes avaient changées. Oubliant la règle qu’il s’était lui-même obliger de suivre des années auparavant, il entrait sans autorisation dans la chambre de sa sœur. « Hé Alice… » Elle se cachait alors sous sa couette pour ne pas qu’il la voie ainsi. Et alors il la rejoignait et se couchait contre elle, en la serrant fort dans ses bras. « Je sais que j’ai fais le con aujourd’hui. Hier aussi. Avant-hier aussi d’ailleurs… Mais s’il te plait pardonnes moi. C’est déjà difficile de se faire accepter et d’avoir des amis alors, je n’ai pas envie de perdre ma petite sœur d’amour à cause de ses bêtises. Tu m’excuses ? » Il essuyait les larmes qui coulaient sur ses joues et l’embrassait sur la joue. « Maman a pas dit que tu étais con. Elle a dit que tu entrais dans ta crise d’adolescence. »  Il lui sourit et parfois même, ils s’endormaient tous les deux.

« Timoteï ! Bordel de m**de, Timoteï ! »  Accélérant le pas, Alice réussit à le rattraper. Elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle et remettre son sac sur le dos. « T’es devenu sourd ou quoi ?  » Les yeux du jeune homme se posèrent sur son amie et il enleva ses écouteurs. « Tu disais ? » Il riait, et Alice le frappa doucement à la tête. Cela faisait plus de dix années qu’ils se connaissaient et qu’ils finissaient toujours par tomber dans la même classe. Pas facile de défaire une amitié autant encrée dans le temps. Alice avait à son tour rejoint la case « adolescence » et son frère, était parti continuer ses études à l’université. Elle craignait d’ailleurs le moment où son chemin quitterait celui de Timoteï. Mais à cette époque, elle préférait simplement penser que, demain, ils seraient encore ensembles, et qu’encore, il oublierait d’enlever ses écouteurs et qu’elle serait obligée de courir. « Alors comme ça tu es invitée à cette soirée ce soir ? » Les yeux de Timoteï de nouveau sur la blonde, elle sourit. Effectivement elle avait reçue la demande officielle  de la part d’une des cheerleaders pour rejoindre « le clan ». Ce genre de fille, hyper narcissique qui ne pouvait s’empêcher de se regarder dans le miroir toutes les cinq minutes. « Hum… Non. J’ai natation ce soir, je te rappelle, et je te signale que je ne rate pas un entrainement même quand je vomie, ce n’est certainement pas pour rejoindre le clan des « je suis une bombe et je m’aime » que je vais oublier ce foutu entrainement ! »  Elle lui attrapa le bras quand la cloche sonna. « Tu m’emmènes en histoire ? »  


« Non de non ! Alice tu ne te rends pas compte, tu vas avoir ton diplôme ! Ton diplôme quoi ! Je me sens si vieux d’un coup… Elle attrapa son frère par le bras et l’enlaça tout en l’embrassant. Elle rie tout de même les larmes aux yeux en lui ébouriffant les cheveux. « Tu veux me faire pleurer c’est ça ? Allez avoue ! »  Il leva les yeux au ciel, l’air innocent. La jeune femme voulue répliquer mais elle fut appelée à rejoindre les autres élèves. Elle se positionna à coté de Timoteï en lui pinçant le bras. « J’y crois pas… »   Les années avaient défilées, et au fur et à mesure, elle s’était rendue compte que des sentiments forts s’étaient développés pour le beau brun. Sentiments qu’elle avait fait en sorte de toujours cacher pour éviter qu’il ne les découvre et que leur amitié en pâtisse. Malheureusement, malgré l’importance de la cérémonie, la rendait triste. Bientôt, Timoteï allait partir pour ses études et elle, elle restait au Texas pour continuer ses études afin de pouvoir ouvrir un jour sa propre galerie d’art. C’était un rêve pour elle de pouvoir un jour recevoir dans une salle à elle, des œuvres d’artistes encore peu connues. Elle possède encore la photo d’eux deux, tout jeune diplômés. Elle l’avait embrassé sur la joue et en clin d’œil avant de s’éclipser lui chuchoté. « On se reverra c’est promis ! »  

Alice avait cru en ses paroles. Elle avait espérée qu’un jour, ils se retrouveraient, et elle aurait enfin pu avouer ses sentiments à son meilleur ami d’enfance. Malheureusement, Chicago n’était pas la porte à coté. Et au fil des années qui s’écoulaient, leur lien disparaissait. Elle se concentra principalement dans ses études, et réussie à nouveau à sortir diplômée. Elle prit un appartement au dessus de la salle d’art pour enfin quitter sa maison d’enfance. Maison qu’elle ne regretta jamais d’ailleurs, par les « bons moments » ou les « Noël en famille ». Tobias quand à lui, trop prit par son boulot, comptait se marier l’été suivant. Elle était fière du parcours de son frère. Il restait le même qu’elle avait pu le connaitre enfant, et n’avait jamais prit la grosse tête ou autre chose comme ça.

« Bonjour ? Bonjour ! » Alice descendit les escaliers en quatre vitesses. Elle avait effectivement un rendez-vous avec un certain Noam Peterson, mais c’était encore levé en retard. Elle fermait sa chemise à la va-vite et arriva devant le jeune homme. « Oui excusez moi, je suis un peu à la bourre, l’heure passe tellement vite, je vous en prie, venez dans mon bureau. » Il la regarda avec un sourire toute en la suivant. Elle ne comprenait pas pourquoi il rigolait mais elle s’assit en face de lui, sérieuse et prête au rendez vous. Il se mordit alors la lèvre en prenant la parole. « Pardonnez, mais… Votre chemisier il est mal boutonné... » Alice vérifia elle-même et remarqua, qu’effectivement, qu’elle s’était mélangée et qu’elle n’était pas du tout présentable. Honteuse, elle rougit et rit sans pouvoir s’arrêter. « Oh je suis désolée, pardon, je ne pensais pas.. »  Il rougit à son tour et reprit la parole. « Pour vous faire pardonner, venez déjeuner avec moi ? » Elle leva un sourcil, surprise de sa demande, mais sourit nerveusement. Et pourquoi pas ?

« Donc vous êtes originaire d’Austin ? » Alice avala sa salade tout en continuant de parler. Elle était intriguée par cet homme qui semblait si assuré et prétentieux. Il avait cet air de grand homme, qui lui rappelait un peu son père. « Hum, non je viens de New-York. C’est juste que j’aie vu votre site internet, et je me suis dit que peut-être, j’aurais plus de chance au Texas. » Elle ouvrit grand les yeux, surprise d’apprendre que son site internet rencontrait du succès. Elle postait dessus un peu n’importe quoi, et montrait principalement des œuvres des artistes qu’elle pouvait exposer. « Vous avez du trouvé un logement rapidement du coup ? »  Prenant une gorgée de son verre d’eau, elle était rivée sur Noam. Intéressant et plutôt beau à regarder, elle en oubliait presque Timoteï. « Non, je suis venu sans rien, juste mes toiles. J’ai pris le premier train sans réfléchir. » Elle arrêta de manger, tout en réfléchissant. Elle ne pouvait pas laisser cet homme dans la rue sans personne, et puis c’était l’hiver il allait mourir de froid. Non, non, elle ferait pour une fois, la fille super gentille et trop parfaite. « Venez donc vivre chez moi. »  

« Chérie, ils sont les biscuits ? » Alice sortit la tête de la douche en soupirant. Voilà un an que Noam avait déménagé chez elle, et il avait encore du mal à savoir où se trouvait quoi. Elle ne put s’empêcher de sourire tout en lui répondant. « Deuxième placard au dessus du lave-vaisselle ! » Elle s’essuya le corps et attacha ses cheveux en chignon. Elle n’avait pas prévenue Noam qu’elle se rendait à son rendez-vous habituel chez le gynécologue. Elle soupira en espérant qu’elle apprendrait une bonne nouvelle. Comme par exemple « félicitations madame, vous êtes enceinte. »

« Mme Livingston, vous êtes stérile. » Assise dans le fond du siège, elle tomba de haut. Elle rêvait d’enfants. Elle rêvait d’enfants avec Noam. Et lui aussi en rêvait. Elle ferma un instant les yeux, en soupirant. Qu’est ce qu’elle allait lui dire ? Qu’ils n’auraient jamais d’enfants. Elle serait toujours une incapable. Elle remercia le médecin, et partie.
Assise à un bar, elle tenait un chocolat chaud dans ses mains. Stérile. Comment allait-elle lui dire ? Noam devait la rejoindre ici, pour une « super nouvelle », en tout cas, lorsqu’elle lui avait annoncée qu’il devait se retrouver. Elle n’avait pas imaginé qu’elle finirait avec une telle nouvelle. Elle soupira. Son téléphone sonna alors, et elle décrocha en pensant qu’il s’agissait de Noam, sûrement un peu de retard avec les bouchons. Oui bonjour Alice ! J’ai des nouvelles de Timoteï, il sait installer à Santa Barbara, je voulais absolument te le dire en personnes, mais j’avais peur de te déranger… Tu dois avoir beaucoup de travail avec ta galerie d’art ! Oh je te revoie encore enfant, je suis fière de toi ! Allez, je te laisse prend soin de toi ! . Elle ne pouvait que reconnaitre la voix chaleureuse de la mère de Timoteï avec qui, elle s’était toujours bien entendue. Elle sentie son cœur se serrer. Timoteï n’était jamais sorti de sa tête, malgré les années passées.  Elle s’était souvent imaginée avec lui, une vie simple mais où elle aurait été heureuse. Bien sûr elle était heureuse avec Noam, mais tout aurait été différent. C’était un amour bien plus puissant, bien plus fort. « Re bonjour chérie ! » Elle sursauta quand elle sentie le baiser de Noam contre sa joue. Il commanda un café ce qu’il la dégouta. Elle détestait le café. « Avant que tu dises quoique ce soit, je dois te faire une demande importante. » Il se mit debout, et tout sourire s’agenouilla devant elle. « Alice Livingston, veux-tu m’épouser ? » Son cœur s’arrêté de battre. L’appel de la mère de Timoteï, ses années bonheurs en sa compagnie dont Noam ne connaissait même l’existence. Tout lui revenait en face. Quel choix devait-elle faire ? Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Qui choisir ? « Bien sûr que je veux t’épouser ! » Et comme dans le genre de film à l’eau de rose qu’adorait Alice, elle se leva et embrassa Noam. Elle avait certainement fait la pire erreur de sa vie, mais elle l’avait fait. Il s’assit en face d’elle, tout en lui passant a la bague et lui sourit. . « Alors cette nouvelle ?. » Un mensonge. Un truc rapide, qui passe bien, et qui lui permettra de s’éclipser. Juste le temps de savoir comment va Timoteï. Vérifier qu’il est bien vivant, et heureux. « J’ai eu une super promotion ! »