Tu ne vas pas bien ... je le vois Joe .... Arrête d'affirmer le contraire. Pourquoi faire semblant ? Un énième soupir franchit la barrière de mes lèvres. Elle s'entêtait à me faire parler. J'allais devenir fou à cause de cela. Quoi que, fou, je pensais l'être déjà pas mal depuis mon retour. Maman, tout va bien. Je t'assure. Je suis en vie et en un seul morceau. C'est tout ce qui importe, non ? Soupirai-je mollement, en tapotant la table de mes doigts, à un rythme de plus en plus frénétique. Je n'aimais pas voir mes proches s'inquiéter autant pour moi. Même si je savais que c'était tout à fait normal. J'aurais fais la même chose si les rôles avaient été inversés. Mais justement, ce n'était pas le cas du tout. C'était moi qui revenais de presque deux années de mission à l'étranger, en pleine guerre. Moi qui cumulais les nuits blanches, faute de parvenir à trouver le sommeil à cause des cauchemars qui ponctuaient mes nuits. Est-ce qu'au moins tu t'en sors tout seul, avec ce petit bout ? Du bout des doigts, elle vint frôler la joue de Jessica qui lui offrit un sourire en retour. On ne pouvait pas dire que c'était une gosse difficile à vivre. Loin de là même. Je ne suis pas vraiment seul tu sais. Sa tante m'aide de temps en temps ... Et Laurie est toujours là ... Lui rappelai-je avec douceur. Même si je savais que c'était peine perdue. Ma mère s'en faisait beaucoup trop pour moi, pour pouvoir changer d'avis en si peu de temps. J'avais déjà tout essayé.  Mais ce n'est qu'une enfant. Et Laurie est clouée dans un fauteuil roulant. Protesta-t-elle en me lançant un regard presque agacé pour le coup. Elle a vingt deux ans. Y'a pire niveau enfant. Marmonnai-je en retour. Je ne pouvais pas lui avouer que j'avais couché avec elle, à la même période où j'avais couché avec sa soeur, deux ans plus tôt. Personne ne savait rien de cette liaison, à part Olivia et moi même. Et c'était bien assez. En même temps, Olivia ne risquait pas de s'en vanter, puisqu'elle couchait avec moi en sachant très bien que je vivais une relation un tant soit peu sérieuse avec sa soeur aînée, à l'époque.  Période de pause entre deux périodes à hauts risques. Je pensais aimer Laurie et envisageais de la demander en mariage à mon retour. Mais c'était avant de rencontrer sa petite soeur.  Avant d'éprouver un désir farouche pour celle ci. Avant de succomber à ce désir. Et avant de partir, j'avais assuré à Olivia qu'à mon retour, on aurait une discussion. J'étais en train de tomber amoureux d'elle. Je pensais que malgré notre différence d'âge et le fait que j'entretenais une relation avec son aînée depuis pas mal de temps, nous pourrions envisager quelque chose de plus sérieux. Je pensais que ça arriverait. Je le pensais et l'espérais vraiment. Mais rien de tout ça n'était arrivé. J'étais rentré de guerre, ça ouais. Mais dans un piteux état psychologique. Je m'étais enfermé dans mon appartement pendant des semaines entières. Je m'étais drogué à coups de somnifères et d'anti-dépresseurs. Mes proches avaient apprit mon retour et étaient venus me voir les uns après les autres. La visite la plus terrible, avait quand même été la dernière. Celle d'Olivia, un bébé dans les bras. Je ne me sentais pas capable d'affronter les deux soeurs, aussi rapidement après mon retour.  Mais elle était là. Sur le pas de ma porte. Une magnifique petite fille entre les bras.


Oli ... Qu'est-ce que tu fais là ? Le coeur serré, je la détaillais du regard, tentant de retrouver dans ses traits, la douceur et la passion qu'elle m'avait inspiré durant de longs mois, avant mon départ. Mais les mâchoires crispées et le regard dur, elle me regardait comme si j'étais la dernière personne au monde qu'elle souhaitait voir. C'était pourtant elle qui était venue me trouver. Pas l'inverse. Et ce môme dans ses bras ... Mon coeur se serra davantage alors que j'eus le temps d'imaginer que c'était le sien. Qu'elle avait fini par rencontrer quelqu'un de bien qui lui avait fait un enfant. Soit, elle me semblait être un peu jeune pour ça. Mais c'était peut-être là son voeux le plus cher après tout ! En attendant, elle tendit la petite blondinette dans ma direction. C'est ta fille. Elle s'appelle Jessica. Tiens. Comme si ma vie n'était pas assez compliquée comme ça ! Je baissai lentement le regard en direction de l'enfant qu'elle me tendait et qui me regardait d'une drôle de façon. De toute évidence, elle sentait que quelque chose clochait chez moi. Ma fille ? Notre fille ? Demandai-je sur un ton incertain, sans quitter les deux adorables prunelles bleues qui continuaient de me fixer. Non. La tienne et celle de Laurie . Merde. C'était encore pire. Dans le sens où je ne pensais vraiment pas poursuivre ma relation avec Laurie . D'ailleurs ... Alors pourquoi est-ce que ce n'est pas elle qui est venue me trouver ? Cette fois ci, le regard noir d'Olivia vacilla, laissant apparaître une brèche, une blessure. Parce qu'elle ne sort plus de chez elle depuis son accident de voiture qui l'a clouée dans un fauteuil roulant.


Est-ce que tu as conscience d'être en train de gâcher ta vie en restant auprès de Laurie ? Et c'était reparti. En plus de toujours s'en faire pour moi, elle était sans cesse en train de me faire remarquer que mes choix n'étaient pas les bons. Que, pour être plus exacte, je ne faisais que connerie sur connerie. A l'entendre, je faisais tout pour être malheureux. D'accord, ce n'était pas faux. Je restais avec Laurie parce que nous avions un enfant ensemble et que je ne me sentais pas capable de la laisser seule, alors qu'elle se trouvait en fauteuil roulant et avait elle même bien du mal à s'y faire. Que je reste ou non à ses côtés, de toute façon, Olivia me détestait pour de bon désormais. Elle m'en voulait de rester avec Laurie. Et m'en voudrait si je la laissais tomber. C'est la seule chose à faire. Lui répétai-je pour la millième fois au moins. Déjà, je ne pensais plus qu'au moment où j'allais pouvoir regagner la maison que je partageais avec Laurie et notre fille, pour avaler une connerie de cacheton qui me shooterait pour la soirée et la nuit à venir. Bien sûr, après avoir pris soin de coucher Jessica. J'adorais ma fille. soit, elle n'était pas arrivée dans les meilleures conditions qui soient. Mais elle était là. Et je ne comptais pas faire la moindre connerie en ce qui la concernait.