Toujours les mêmes mots, toujours la même ritournelle qui se terminait le plus souvent par des éclats de voix. Mes parents n'étaient pas ce qu'on pouvait appeler un couple heureux en ménage. Mon père passait le plus clair de son temps au travail tandis que ma mère lui reprochait de ne pas être plus présent. Ca en devenait presque lassant et je ne comprenais pas pourquoi elle continuait à poser les mêmes questions. Mon père n'était pas souvent présent à nos côtés mais, je pouvais comprendre qu'il devait s'occuper de ses affaires pour qu'on puisse vivre toutes les quatre comme des princesses, chose que ma mère ne semblait pas assimiler. Je ferme les yeux tandis que je place mes écouteurs sur les oreilles. Je n'aimais pas entendre ces éclats de voix qui finissaient toujours par les pleurs de ma mère suivit de près des sanglots d'Alex. La situation était insupportable et j'aurais préféré que mes parents se séparent pour ne pas avoir à supporter cet enfer qui était devenu notre quotidien, à mes sœurs et à moi, depuis quelques années déjà. Perdue dans mes pensées, je rêvais au jour où je pourrais tout quitter et m'éloigner de cet endroit. Malheureusement, je n'étais pas certaine de pouvoir tout plaquer et laisser mon père derrière moi. Il n'était pas le père le plus expressif du monde, je le savais mais, il nous aimait, à sa manière et cela me suffisait amplement.

« Duncan ! » Sa voix s'élève dans l'appartement qu'elle sait vide, dans l'espoir que tout ne soit qu'un mauvais rêve. Il ne pouvait pas lui faire ça, pas après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble et tous les projets qu'ils avaient fait des nuits durant. Il ne pouvait pas être ce genre d'homme. Elle ne pouvait pas s'être trompée de la sorte. Une main sur son épaule en signe de réconfort lui fait comprendre qu'elle ne rêve pas et l'amer réalité lui transperce le cœur. Son père l'avait pourtant prévenu, à maintes reprises mais, elle n'avait rien voulu entendre et aujourd'hui, elle en payait les conséquences. Son fiancé de la quitter lâchement, sans la moindre explication. Perdue dans les souvenirs d'un bonheur qu'elle croyait réel, Mycah regardait les hommes de son père vider l'appartement. Son appartement. Ou plutôt ce qu'il en restait. Elle n'avait jamais cru au grand amour, ni aux fins heureuses comme dans les romans à l'eau de rose mais, au côté de Duncan, il y avait eu cette perspective. Non pas d'un bonheur parfait mais, d'une vie faite de petits bonheurs qui lui avaient, parfaitement, convenus. Et en cet instant, elle s'en mordait les doigts. Elle ferma les yeux quelques secondes tandis que ses pensées la renvoyaient dix ans en arrière lorsque sa famille vivait encore sous le même toit. Elle revoyait sa mère comater sur  le canapé à côté d'une seringue et d'une bouteille d'alcool vide. Elle n'avait jamais compris comment elle avait pu en arriver là, elle la détestait même pour ça. Comment pouvait-on avoir si peu d'estime de soi pour se laisser faire de la sorte et permettre à qui que ce soit de prendre le pas sur sa vie. Encore aujourd'hui, elle revoyait le visage livide de sa mère et cela lui donnait la force d'aller de l'avant et de ne jamais en arriver au même point qu'elle. Elle essuya du revers de la main une larme qui avait échappé à son contrôle. Elle se promit que c'était la première et dernière fois qu'elle pleurerait pour qui que ce soit. Un dernier regard vers ce qui faisait - à présent - partie d'une autre vie, elle laissa son père la guider vers la sortie, vers un futur meilleur, vers sa vie tout simplement.

A bout de souffle, je jette un regard à l'infirmière qui avance vers moi. « Félicitations mademoiselle ! C'est un joli petit garçon ! » Prenant mon enfant dans mes bras, je repense à Duncan. Lui qui avait toujours aimé les enfants, il aurait été tellement heureux d'apprendre qu'il était père. Pour ma part, je n'avais pas ce qu'on pouvait appeler la fibre maternelle, à vrai dire, la seule raison pour laquelle j'avais gardé l'enfant était pour me venger de mon père. Ma façon de lui dire que je lui ressemblais plus qu'il ne le croyait et qu'il n'était pas question qu'il régente ma vie comme bon lui semblait. Il avait menacé Duncan pour qu'il la quitte et même si en temps normal, son rôle de père protecteur me ravissait, cette fois-ci, j'aurais préféré qu'il n'en arrive pas à de tels extrêmes. Sebastian faisait donc parti de nos vies aujourd'hui et même si je devenais en cet instant mère, cela ne changeait rien. J'étais et je restais le bras droit de mon père et l'arrivée de Sebastian n'y changeait rien. Je ne comptais pas changer, ni pour lui, ni pour personne. Une fois encore, l'image de ma mère me vint à l'esprit et je me promis que jamais, au grand jamais, mon fils ne me verra dans un tel état lamentable. Je chassais ces pensées de ma tête. Ma mère faisait partie du passé tout comme Duncan, je devais me concentrer sur mon avenir. Mon avenir au côté de mon père et qui sait, peut-être qu'un jour, Sebastian pourra reprendre le flambeau.

C'était exactement ce qui lui fallait. Elle laissa son regard trainer dans chaque recoin pour s'assurer que tout était bien à sa place. Mycah avait décidé de venir s'installer auprès de Dylan pour raviver la relation entre sœurs. Il ne restait plus qu'elles et elles ne pouvaient tout simplement pas se faire la guerre toute leur vie. La brunette avait consentit à faire le premier pas, sachant que la non-relation qui avait été leur quotidien ces derniers temps était, en partie, sa faute à elle. En tant que grande sœur, elle devait faire quelque chose pour rectifier le tir. Seulement, elle savait que ce ne serait pas aussi simple. Elle savait que Dylan ferait tout pour envoyer leur père en prison et que de son côté, elle ferait tout pour ne pas que ça arrive. « Sebastian, viens voir ta nouvelle chambre. » Elle aurait très bien pu le laisser avec son père mais, elle estimait qu'il n'avait pas à jouer ce rôle là. Il en avait déjà assez fait pour eux deux. La sonnerie de son téléphone la tira de sa contemplation et un sourire sincère apparu sur ses lèvres en voyant le numéro. « Tout va bien. On s'installe et le petit à l'air de se plaire. » Non pas qu'elle lui avait demandé son avis. Tout en s'asseyant, elle écouta son père parler tandis que son sourire s'élargissait. « Depuis le temps, tu ne crois pas que je sais ce que j'ai à faire…Ce n'est pas parce que j'ai déménagé que je laisse tomber le business…» Elle cru déceler un demi-sourire par sa réponse. Il n'était pas démonstratif et cela ne la dérangeait pas, au contraire, elle s'en accommodait parfaitement et même s'il était loin, il restait l'homme de sa vie. Cependant, elle ne lui avait pas tout dit concernant sa sœur. La mort de leur mère et d'Alex les avaient encore plus éloigné et aujourd'hui, Mycah espérait que malgré tout, elles pourraient au moins se donner une deuxième chance.